mercredi 5 octobre 2011

fin d'un monde

Mon goût pour l'automobile me rend particulièrement sensible à l'héritage culturel lié au développement de ce moyen de transport. Héritage culturel car notre mode de vie en général a été totalement conditionné par l'essor des engins automobiles au sens large. Le brassage permanent que cela a permis a fait de notre monde ce qu'il est aujourd'hui. En ça je considère l'industrie automobile comme une composante essentielle de notre culture, de notre société, un patrimoine commun.
Comme je l'ai dit dans mon précédent article, j'aime parfois verser dans une espèce de nostalgie contemplative. Pas pour me complaire dans un état d'esprit où tout "aurait été mieux avant", mais plutôt pour prendre le temps d'observer, de comprendre. On ne sait jamais mieux où on se trouve que quand on se souvient par où on y est venu. La marche du temps est ainsi faite que le passé, justement c'est le passé, et que les choses doivent évoluer, changer. Néanmoins, il me semble important de toujours garder à l'esprit les chemins empruntés précédemment, qu'ils soient bons ou mauvais. Alors j'aime les musées, les vieilles pierres, les antiquités diverses et les vieux machins, aussi bien témoignages de l'Histoire du monde que d'histoires plus individuelles. Et dans le genre témoignage, le lien qui suit est une petite merveille !


Nous sommes à Détroit, Michigan. Ancienne gloire de l'industrie automobile flamboyante, la ville sombre depuis le milieu des années 90 dans un abandon presque total. Je ne vais pas vous faire un cour d'économie, m'étendre sur le déclin de cette industrie et du modèle capitaliste, mais voilà qui fournit des photographies que je trouve époustouflantes pour certaines. A noter que les deux auteurs de ces clichés sont français, un détail qui me semble révélateur de l'état d'esprit dans lequel sont les américains et qui explique probablement en grande partie comment tous ces lieux ont pu être laissés de cette manière à la merci des éléments. Une indifférence assez générale, liée aussi bien à l'esprit de pionniers qui habite encore ce peuple (tout ce qui n'évoque pas un avenir forcément meilleur présente peu d'intérêt) qu'à la conjoncture qui a obligé tous ces gens à se détourner de ce qui constituait leur univers sous peine d'être condamnés également à une sorte d'abandon.

Je me pose des tas de questions devant ces photos. J'ai envie de ressentir les lieux, de connaître leur(s) histoire(s), de comprendre comment ils ont cheminé jusqu'à cet état.
Comment ne pas être ému devant ce fauteuil de dentiste, laissé en l'état depuis combien ? 40 ans ? Ou bien en regardant cette église où ce que je suppose être des bibles jonchent encore le piano. Ces bibliothèques encore pleines de livres, ça ne vous secoue pas ? Et ce poste de police, où photos de suspects et/ou de victimes sont éparpillées comme si l'abandon du bâtiment signifiait la disparition pure et simple des gens dont il est question.

photos : Yves Marchand - Romain Meffre


Après l'industrie le chaos ? C'est une vision post-apocalyptique du monde qui s'offre à nous, comme si rien ne pouvait survivre à la disparition des usines toutes puissantes. Ces images sont souvent graphiquement très riche et toujours chargées en émotions – par exemple, la chambre 1504 du Lee Plaza Hotel pourrait presque avoir été occupée la veille. Je reste devant ces témoins du temps qui passe et je me demande ce qu'il faudrait en faire.
  • Les conserver tels-quels, sous cloche, pour montrer aux générations actuelles et futures jusqu'où la fièvre industrielle peut mener ? Pas certain que jouer la carte de la culpabilisation produise tellement d'effet.
  • Réhabiliter, restaurer, redorer ? Pour quoi faire ? Ce monde là n'est-il pas révolu ?
  • Raser et oublier ? C'est probablement ce qui arrivera à terme mais cette option ne me satisfait pas non plus. Je reviens à ce que je disais plus haut, oublier c'est assurément se perdre.
Comme d'autres, politiques ou promoteurs, répondront bien assez tôt à cette problématique (et sans me consulter, les vaches !), je laisse mes questionnements en suspens et je me replonge dans ma contemplation. Bien-sûr je serai ravi si vous venez faire la visite et en discuter avec moi !


J'en profite pour glisser qu'un très beau livre existe avec ces photos... je devrais peut-être mettre aussi un lien vers ma liste d'envies ?

3 commentaires:

Olivier a dit…

Je ne peux - évidemment ! - qu'approuver le propos... car c'est un sujet de réflexion qui fait sens, entre autre, chez les photographes.

Et quand je lis cet article, je ne peux m'empêcher de penser au message sous-jacent de cet autre : http://monsieursampatanka.blogspot.com/2011/09/drapeau-damier.html
Au risque d'insister, je redis "merci Michel !".

Anonyme a dit…

Super ce blog... merci pour la culture...

Julio

E. (fait semblant de conserver un peu d'anonymat !) a dit…

L'aspect culturel est un dommage collatéral mais merci Julio !