jeudi 16 avril 2015

l'étrange expérience


J'ai voyagé la nuit dernière.


Non bien-sûr je n'ai pas brûlé d'essence, bordé de voile ou fissionné d'uranium enrichi. Tout s'est passé pendant que je tentais de surprendre mon sommeil. Parce que si je ne le capture pas au lasso celui-là, il me file généralement entre les doigts.

Je ne sais pas comment c'est venu. Je crois que je pensais à la mémoire et à la force des souvenirs. Je crois que c'était ça. Mais comme c'était dans cette demi-conscience qui nous libère juste avant de sombrer dans les limbes, je confonds peut-être la cause et la conséquence. Possible que les divagations de mon esprit aient généré cette impression, que la résurgence des souvenirs m'ait fait croire que je pensais à la mémoire alors que c'est elle qui s'est invitée toute seule et m'a apporté la preuve de sa puissance. Enfin bref.

Voilà, je vous ai dit qu'il n'y a pas de comment. Ne me demandez pas non plus pourquoi !

En fait d'expérience, j'ai revisité la maison de ma grand-mère dans le Lot et Garonne.

Ma grand-mère, ça va faire 8 ans qu'elle est morte. Et je crois bien ne pas être entré dans sa maison depuis pas loin de 20 ans. Évidemment ça ne risque plus d'arriver. L'ancien relais des Postes du début du 18ème siècle a été vendu il y a bien longtemps, quand il a fallu installer Mireille dans une maison qui prendrait soin d'elle. Un rapide coup d'oeil dans Street View cet après-midi m'a appris que les nouveaux propriétaires ont bien peu respecté l'âme du lieu (dingue cette capacité qu'ont les humains à être médiocres).

J'allais m'endormir sans trop d'encombres pour une fois donc, lorsque mon cerveau a décidé de me téléporter dans cette maison de Tonneins. Avec une précision chirurgicale !

Exactement à l'étage, dans le petit couloir derrière le rideau, qui menait vers la salle de bain et à la petite chambre où j'avais mes quartiers habituellement. Le "petit vestibule", tel que la maîtresse des lieux le nommait. J'ai d'ailleurs gardé du mot vestibule l'image d'un lieu de passage un peu intime et fermé par des rideaux, là où mes cours d'histoire de l'architecture ont plus tard parlé d'entrées plutôt monumentales !
Je n'étais pas juste devant une image estompée par les années mais bien en situation, DANS le lieu, tous sens en éveil. C'était l'expérience du réel. Je pouvais sentir la moquette sous mes pieds, entendre craquer le plancher et les murs, exactement comme lorsque j'y passais enfant. Et surtout, surtout, je sentais le parfum du bouquet de lavande posé sur la petite commode à gauche de la porte en entrant, ainsi que l'eau de Cologne dont il y avait toujours un flacon là.
Tout y était, dans un réalisme qui me laisse encore bien pensif.